Veranstaltung: | DV 24. Juni / AD du 24 juin |
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Antragsteller*in: | Comité directeur de la JS Suisse (beschlossen am: 20.05.2023) |
Status: | Eingereicht |
Eingereicht: | 14.08.2023, 18:30 |
Ersetzt: | A1NEU35: Perspectives féministes pour les 99 pourcent |
A1NEU36: Perspectives féministes pour les 99 pourcent
Antragstext
Perspectives féministes pour les 99 pourcent
Malgré quelques succès au cours des dernières décennies, les luttes féministes
sont encore fondamentalement nécessaires. Les progrès en matière d’égalité sont
sans cesse attaqués. Aux États-Unis ou en Pologne, par exemple, les droits à
l'autodétermination physique sont progressivement restreints et l'avortement est
criminalisé. C'est ainsi que se déroulent de véritables campagnes de haine
contre les personnes trans et que sont mises en place des lois qui limitent
activement leurs droits aux transitions médicales. En Suisse aussi, on observe
une telle évolution. Deux initiatives ont été lancées pour limiter le droit à
l'avortement, tandis qu'AVS21 a repoussé l'âge de la retraite des personnes
inscrites comme femmes à l'État civil contre leur volonté. Celles et ceux qui
s'engagent pour l'émancipation sociale et, par exemple, pour les droits LGBTQIA+
sont qualifié·es de « woke » par la droite réactionnaire et présenté·es comme «
folles·fous » ou « anti-hommes ». Un féminisme révolutionnaire est donc
aujourd'hui plus que jamais nécessaire. Nous devons construire des ponts entre
les luttes, car nous ne serons libres que lorsque tout le monde le sera. Les
plus puissant·es de notre société veulent nous diviser et nous désarmer. À ces
attaques, nous répondrons par la solidarité et la cohésion. Nous luttons pour un
monde juste, libéré de toute structure d'exploitation et de discrimination, et
ce de notre vivant !
Nos prédécesseuse·eurs ont accompli un travail énorme. Elles·ils ont obtenu le
droit de vote et d'éligibilité des femmes, le droit à l'avortement, ainsi que de
nombreux autres droits fondamentaux en matière d'autodétermination et
d'émancipation. Mais le chemin vers une société égalitaire est encore long, et
les progrès timides. Aujourd'hui, il existe toujours en Suisse un gender pay gap
de 18% ;(1) au total, les femmes gagnent au cours de leur vie près de 43% de
moins que les hommes (x). La majeure partie du travail de care non rémunéré est
effectué par des personnes FLINTA ; la pauvreté des personnes âgées est une
pauvreté féminine. Les personnes non-binaires sont privées d'existence, et un
féminicide (2) est commis une semaine sur deux. Ce ne sont que quelques
symptômes des structures patriarcales dominantes. En outre, dans de nombreux
domaines, des progrès en matière d'égalité ont en outre été réduits à néant ou
énormément ralentis après la période tendue de la pandémie de covid.(3) Tout
cela, nous ne l'accepterons pas. Nous avons déjà été assez longtemps mis·es à
l'écart. Ce papier de position doit servir de base à notre vision d'une
révolution féministe. Pour pouvoir mener cette lutte de manière adéquate, nous
devons reconnaître et nommer les structures patriarcales. Pour cela, une analyse
appropriée est nécessaire. Dans ce document, nous tentons de faire une telle
analyse.[1] Celle-ci n'est en aucun cas condamnée à rester statique : elle
évoluera avec le mouvement féministe. L'objectif est connu, nous devons
maintenant pouvoir montrer le chemin qui y mène.
Mais au sein de la gauche féministe, cela ne doit pas donner lieu à une lutte
intestine. Si nos revendications sont les mêmes, nous ne devrions pas nous
diviser sur de petites différences dans la manière de lutter. Nos différentes
revendications et priorités sont légitimes, car nous avons un objectif commun :
renverser le patriarcat.
La gauche féministe doit surmonter ses clivages et les conflits existants et
renforcer sa collaboration. Les attaques extérieures sont nombreuses et ce n'est
qu'ensemble que nous pouvons y résister. Nous avons besoin d'une offensive
féministe, et pour cela nous devons sortir de la défensive.
En 2019, nous avons réussi à mobiliser plus de 500 000 personnes dans la rue le
14 juin pour défendre des causes féministes. Quatre ans plus tard, les progrès
sont limités. Le patriarcat nous opprime depuis assez longtemps maintenant.
Cette situation va cesser, car nous allons obtenir ce qui nous revient de droit
: liberté et justice.
Le patriarcat hier et aujourd'hui
Nous luttons pour le dépassement du patriarcat, mais qu'entendons-nous par ce
terme ? C'est une question qu'il convient de nous poser. Il semble impossible
d'en trouver une définition globale et il devient vite évident que les
théoricien·nes, les politicien·nes et les scientifiques comprennent chacun·e
quelque chose de différent par ce terme, en fonction de l'époque et du lieu.(4)
En tant que féministes de gauche, nous nous référons principalement aux
définitions de la théorie féministe, qui tente de définir ce terme de la manière
la plus complète possible et de façon applicable à différentes époques et
différents lieux. Ainsi, cette définition doit pouvoir mettre en évidence le
plus grand nombre possible de formes d'oppression dans toutes les sociétés. Sur
un plan abstrait, cela signifierait, selon la sociologue Sylvia Walby, que : «
patriarchy is a system of social structures and social practices in which men
dominate, oppress and exploit women».(5) Parce que le patriarcat a établi la
prédominance d'une norme hétérosexuelle et cisgenre masculine, toutes les
personnes qui ne correspondent pas à cette norme sont également opprimées, à
savoir les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queer, intersexes,
non-binaires et agenres.
Depuis la naissance du patriarcat, il existe également une résistance à celui-
ci. Dans le sillage de la Révolution française, les idéaux de « liberté, égalité
et fraternité » étaient au centre des préoccupations. Cependant, seuls les
hommes bénéficiaient réellement de cette égalité devant le droit, ce que des
féministes comme Olympe de Gouges ont publiquement critiqué.(7) Il n'est pas
rare que cette période soit citée dans l'espace européen comme le point de
départ d'aspirations féministes visibles et attestées. C'est le cas dans ce que
l'on appelle la théorie des vagues, un modèle souvent utilisé aujourd'hui pour
illustrer les développements historiques du mouvement féministe. Le mouvement
féministe est ainsi divisé en trois vagues. Cette théorie des vagues offre un
aperçu simplifié des luttes et des réalisations du mouvement féministe en Europe
et en Amérique du Nord depuis le 19e siècle. Cette théorie n'a toutefois qu'une
valeur informative limitée et se concentre sur les événements concernant les
féministes blanches privilégiées du Nord global et ignore presque complètement
les luttes des féministes du Sud global.
Dans la première vague, les féministes se sont battues principalement pour les
droits civils et politiques, comme le droit de vote des femmes. Les
suffragettes,[2] un groupe de féministes qui luttaient pour les droits civils
des femmes en Grande-Bretagne à la fin du 19e et au début du 20e siècle, sont
notamment connues pour cela. En Suisse, les premières ébauches d'un mouvement
féminin organisé ont vu le jour à la fin du 19e siècle sous la forme
d'organisations féminines. Elles sont intervenues - le plus souvent en vain -
lors de révisions de la Constitution et du droit privé afin d'améliorer leur
statut dans le droit civil ou leur capacité d'action.(8) Au cours des dernières
décennies du 19e siècle et des premières du 20e siècle, diverses associations
féminines ont vu le jour à l'échelle nationale.[3] Celles-ci se sont engagées
pour l'égalité des femmes en matière de droit civil et de droit du travail dans
le cadre de la révision totale de la Constitution fédérale de 1874, mais elles
n'ont pas eu beaucoup de succès et se sont dissoutes peu après. Parallèlement
aux associations féminines bourgeoises de la classe supérieure, des mouvements
ouvriers se sont rapidement développés, dans lesquels les femmes se sont
également engagées activement, même si les structures des partis et des
syndicats étaient globalement dominées par les hommes.[4] Dans le cadre de la
grève nationale de 1918, de nombreuses femmes issues du mouvement ouvrier et de
la social-démocratie se sont engagées, parmi lesquelles la socialiste Rosa
Bloch, seule femme du comité d'Olten. La revendication du droit de vote des
femmes a gagné du terrain en tant que l'une des principales revendications de la
grève nationale.(9) L'introduction du droit de vote des femmes en 1971 s'est
toutefois fait attendre bien plus longtemps que certaines autres revendications
de la grève nationale du comité d'action d'Olten : la semaine de 48 heures a
ainsi pu être imposée en 1919/20 et les travaux pour l'introduction d'une
assurance vieillesse et survivants (AVS) ont commencé quelques semaines
seulement après la grève nationale.(10) Avec la crise économique de la fin des
années 1920 et la menace croissante du fascisme, un conservatisme social
renforcé s'est développé, au sein duquel les revendications féministes ont eu du
mal à s'imposer.
Le début de la deuxième vague se situe à partir des années 1960. Le mouvement
féministe a pris de l'ampleur et a enregistré quelques avancées significatives.
Parmi les thèmes de cette vague, on retrouvait la grossesse, l'avortement, la
sexualité et les violences à l'encontre des femmes. La lutte pour ces différents
droits a continué à être difficile, mais elle a progressé de manière régulière.
Ainsi, l'article sur l'égalité a été introduit dans la Constitution fédérale le
14 juin 1981,[5] tandis le congé de maternité et l'interruption de grossesse
sans punition se sont fait attendre encore 20 ans de plus.
Malgré des défaites et une progression difficile, le mouvement féministe a
continué à se battre. Dix ans arès l'introduction de l'article sur l'égalité
dans la constitution fédérale, le 14 juin 1991, les féministes ont organisé dans
le cadre de la grève des femmes dans toute la Suisse les manifestations les plus
suivies depuis la grève générale de 1918.(11) 500'000 personnes FLINTA et de
nombreux hommes cis[6] solidaires sont descendu·es dans la rue pour lutter pour
des revendications telles que l'égalité salariale et la conciliation du travail
rémunéré et du travail domestique. Le régime du délai pour dépénaliser
l'avortement a été adopté en 2002 par votation populaire, tout comme le modèle
d'assurance maternité en 2004. Grâce à ces progrès, l'égalité juridique (mais
pas sociale) entre hommes et femmes a été essentiellement atteinte, raison pour
laquelle la croyance selon laquelle le féminisme avait atteint ses objectifs et
était obsolète a pu se répandre rapidement dans la population et parmi les
féministes libérales. L'égalité juridique des personnes genderqueer et trans se
fait encore attendre. C'est face au féminisme libéral qu'est apparue dans les
années 1990 la troisième vague du mouvement féministe, qui s'est opposée à cet
antiféminisme et a poursuivi les idées de la deuxième vague en les adaptant aux
circonstances modernes.
Avec la grève féministe de 2019, il y a eu, environ 30 ans après la première
grève des femmes, un réveil et un renforcement du mouvement féministe en Suisse.
Le 14 juin 2019, les revendications « du respect, du temps, de l'argent » ont
constitué une base commune aux dizaines de collectifs de grève locaux, aux
syndicats et aux partis de gauche, qui ont à nouveau réussi à mobiliser près
d'un demi-million de personnes dans la rue. C'est notamment à la suite de cette
mobilisation que plusieurs enjeux féministes ont pris de l'ampleur en politique
et dans l'économie. Grâce au travail et à la création de lien entre les
collectifs, la pratique de et l'aspiration à un féminisme intersectionnel, qui
ne prend pas seulement en compte les femmes cis blanches et bourgeoises, ont
gagné en importance au sein du mouvement féministe suisse.
Patriarcat et capitalisme : des liens sans équivalent
Il faut donc retenir ici qu'il n'existe pas un féminisme unique, mais plutôt des
féminismes et des courants féministes qui peuvent être fondamentalement
différents. Alors que les féminismes libéraux, par exemple, ne veulent pas
changer les rapports de domination existants, les féministes socialistes et
marxistes veulent surmonter toutes les structures d'oppression et
d'exploitation, à commencer par le capitalisme.
Dans les courants féministes socialistes, il existe diverses théories sur
l'origine du patriarcat et sur le lien entre le capitalisme et le patriarcat. Un
problème fondamental réside dans la question de savoir si le patriarcat est un
système autonome au sein du capitalisme. Il est possible de décrire divers
phénomènes sociaux dans lesquels il existe un lien entre le capitalisme et
l'oppression des genres. Il est plus difficile de trouver une explication
théorique à la raison pour laquelle il existe généralement un lien entre le
capitalisme et l'oppression des genres. Les théories féministes de gauche
suivantes proposent différentes hypothèses à ce sujet :
La dual or triple system theory émetl'hypothèse que les rapports de genre ou
sexuels forment un système autonome et indépendant, qui est imbriqué dans le
capitalisme et transforme les rapports de classe, mais qui est lui-même
transformé par le capitalisme. Il s'agit donc d'un processus d'interaction.
Dans le discours féministe matérialiste, cette hypothèse est souvent accompagnée
de l'idée que les rapports de genre et le racisme sont des systèmes de relations
sociales exploitants et oppresseurs. En général, dans le cadre de cette
hypothèse, les relations de classe sont comprises de manière strictement
économique : Seule l'interaction avec le patriarcat et le racisme confère aux
rapports de classe une dimension qui va au-delà de l'exploitation purement
économique.(12)
L'hypothèse du « capitalisme indifférent » part du principe que l'oppression et
l'inégalité des sexes sont un vestige des formations sociales et des modes de
production antérieurs, dans lesquels le patriarcat organisait directement la
production, ce qui entraînait une division rigide du travail entre les sexes. Le
capitalisme en soi est donc indifférent aux rapports de genre et pourrait se
passer de l'oppression des sexes. Selon cette théorie, le capitalisme a une
relation purement instrumentale avec l'inégalité des sexes : il l'utilise
lorsqu'elle peut lui être utile et la met en crise lorsqu'elle constitue un
obstacle.
La théorie unitaire émetquant à elle l'hypothèse qu'il n'existe plus de système
patriarcal indépendant du capitalisme dans les pays capitalistes. Cependant, la
théorie unitaire ne considère en aucun cas l'oppression de genre comme une
conséquence mécanique et directe du capitalisme ou ne l'explique pas de manière
purement économique. Les théoricien·nes qui ont contribué à l'élaboration de la
théorie unitaire soulignent la nécessité de ne pas considérer le capitalisme
comme une série de lois et de mécanismes de nature purement économique, mais
comme un ordre social complexe et articulé qui porte en lui des relations
d'exploitation, de domination et d'aliénation. En conséquence, la dynamique de
l'accumulation et de l'exploitation capitalistes conduit constamment à
l'émergence, au maintien et à la transformation de relations hiérarchiques et de
formes d'oppression. Par conséquent, il ne suffit pas de surmonter le
capitalisme pour détruire également les structures patriarcales.
L'imbrication entre le capitalisme et le patriarcat se manifeste notamment par
la dynamique du travail de care, qui est majoritairement effectué par les
femmes. En effet, le travail de care non rémunéré ou très mal payé - l'éducation
des enfants, les soins aux personnes malades et âgées, l'exécution des tâches
ménagères, la cuisine, le nettoyage - est nécessaire à la survie du capitalisme.
Marx partait du principe que ce qu'il appelait le « travail de reproduction »
servait en premier lieu à maintenir le travail salarié : une société capitaliste
a besoin du travail de reproduction pour « maintenir » la population active et
permettre aux autres membres de la société de travailler. Comme Marx a analysé
dans ses œuvres les bases du fonctionnement de la société capitaliste, il manque
dans son analyse la conséquence du déplacement du travail de reproduction vers
la sphère privée, à savoir son manque de reconnaissance sociale. Il est
cependant clair que le travail de care n'est pas du tout en marge du système
capitaliste, mais qu'il fait partie de ses fondements. Le capitalisme ne peut
pas exister sans le travail de care non rémunéré.[7]
L'économiste féministe Mascha Madörin a montré qu'en Suisse - et cela n'est pas
différent à l'échelle internationale - le travail de soins non rémunéré dépasse
de loin le travail rémunéré. Si les femmes qui fournissent ce travail de soins
étaient rémunérées selon les conditions du marché, cela coûterait 242 milliards
de francs.(13) Cela correspond à environ un tiers du PIB. Le capitalisme et le
patriarcat sont certes interdépendants, mais l'abolition du capitalisme ne
signifie pas automatiquement la libération de tous les sexes. En effet, une
lutte qui ne porte que sur le travail salarié rémunéré est réactionnaire et
n'aboutit qu'à la libération de celles qui sont déjà dans la position
comparativement privilégiée de recevoir de l'argent pour leur travail.
Fausses solutions du féminisme bourgeois
Pour le féminisme bourgeois, la réponse au problème du partage du travail de
care réside dans l'organisation individuelle du temps.(14) Pour ce faire, les
féministes bourgeoises misent souvent sur l'externalisation de leur propre
travail de care, comme le nettoyage, l'éducation des enfants et les tâches
ménagères, à des employés privés. Mais les conditions de travail dans le secteur
du travail de care rémunéré sont souvent précaires ; l'ensemble du secteur des
soins et de l'accompagnement est touché par une grave pénurie de personnel et
par des hausses de prix massives. Transférer le travail de care à des
travailleuse·eurs mal payé·es est tout sauf féministe. Outre les mauvaises
conditions de travail, le secteur du care emploie souvent des migrant·es et des
sans-papiers, qui se trouvent dans une situation encore plus précaire. De
nombreuses femmes sans-papiers travaillent dans des ménages privés.(15) La
criminalisation de leur statut de séjour inexistant expose en particulier les
femmes sans-papiers à des rapports de travail illégaux et à une exploitation
flagrante, contre laquelle elles ne peuvent guère se défendre.
Les féministes bourgeoises considèrent comme un grand progrès féministe le fait
que l'activité professionnelle des femmes ne cesse d'augmenter depuis les années
1970. Même si elle a conduit à une plus grande indépendance financière de
nombreuses femmes et donc à une plus grande liberté sociale, cette évolution
mérite d'être considérée avec un regard critique.(16) Bien que les femmes soient
de plus en plus actives, la plupart d'entre elles travaillent à temps partiel et
se trouvent ainsi dans une situation défavorisée en terme de travail. De plus,
les femmes actives sont aujourd'hui généralement confrontées à une énorme double
charge : l'ampleur du travail de care non rémunéré qu'elles fournissent reste
presque inchangée et le total du travail non rémunéré et rémunéré qu'elles
fournissent est ainsi proportionnellement plus élevé. En 2020, les femmes en
Suisse gagnaient en moyenne 1500 francs par mois et par personne de moins que
les hommes.(17)Le « Bureau fédéral de l'égalité entre hommes et femmes » fait
souvent la distinction entre une part « explicable » et une part « inexplicable
» de l'écart salarial. La différence de salaire dite « explicable » provient du
fait que de nombreuses femmes travaillent dans des branches telles que la santé
et y gagnent moins, que beaucoup de femmes travaillent à temps partiel et que de
nombreuses professions dans le secteur des bas salaires sont souvent connotées
traditionnellement comme étant féminines - notamment le commerce de détail, la
gastronomie, le secteur du nettoyage et les professions de soins. En revanche,
seules les différences de salaire entre les femmes et les hommes dans le même
emploi ne s'expliquent pas. Ces « explications logiques » sont dues à des
structures de discrimination patriarcales. Qu'elles soient explicables ou non,
rien ne justifie les différences de salaire. C'est pourquoi cette distinction
statistique est problématique. Le fait que plus de la moitié des femmes actives
travaillent à temps partiel - contre seulement 20% des hommes actifs - n'est pas
un hasard : les femmes continuent d'assumer la plus grande part de
responsabilité dans la prise en charge des enfants et du ménage.
La conséquence logique de l'écart salarial est alors l'écart de rente. Ce sont
souvent les femmes au foyer qui ne peuvent verser qu'une cotisation annuelle
minimale à l'AVS et qui reçoivent donc une rente minimale ou une rente
relativement plus faible. En Suisse, les rentes versées aux femmes sont en
moyenne 37% inférieures à celles des hommes.(18) Cela s'explique principalement
par le fait que les femmes peuvent cotiser beaucoup moins au deuxième pilier que
les hommes : les femmes courent davantage le risque de ne pas atteindre le
montant minimum ("déduction de coordination") d'un salaire annuel d'environ 22
000 francs. Le travail à temps partiel, les interruptions de carrière et les
salaires plus bas sont des facteurs déterminants pour les différences de rentes.
En conséquence, les femmes en Suisse sont touchées de manière disproportionnée
par la pauvreté des personnes âgées, ce qui est également une conséquence de
l'oppression structurelle.
Fondamentalement, le cœur du féminisme bourgeois se trouve dans la doctrine
libérale de l’accomplissement personnel. Cet accomplissement se fait aux dépens
d’autrui, et ne serait prétendument dû qu’au travail acharné de la personne
concernée.
Le féminisme bourgeois enjoint donc les femmes à dépasser le « plafond de verre
» pour obtenir, au même titre que les hommes, des postes de pouvoir. On propose
aux femmes, à titre d’inspiration, des modèles « inspirants » de femmes à
succès, en taisant le fait que le succès des femmes cheffes d’entreprise - par
exemple - est basé sur l’exploitation d’autrui, et n’est donc, de manière
inhérente, accessible qu’à un petit nombre de personnes privilégiées. Le
féminisme bourgeois ne remet donc aucunement en question les rapports et
structures de pouvoir existantes, mais promeut l’égalité des femmes
correspondant à la norme hégémonique avec les hommes au sein d’un système qui
reste capitaliste, raciste, hétéronormé et binaire.
Perspectives de la société du care
Pour parvenir à une répartition équitable du travail de care, sans double charge
et sans externalisation, il faut un changement systémique.
Le travail de care doit passer de la responsabilité individuelle à une mission
sociale. Les conditions de travail précaires dans le travail de care rémunéré
doivent être massivement améliorées et le système de santé et les structures
d'accueil doivent être développées. Des projets tels que le logement
intergénérationnel peuvent contribuer à collectiviser le travail de care et à le
répartir plus équitablement. Mais des structures et des projets isolés ne
suffisent pas. Le travail de care, qu'il soit rémunéré ou non, demande
énormément de temps. La logique d'optimisation et de maximisation du profit du
capitalisme ne peut pas s'appliquer au travail de care. Le travail de care est
essentiel pour notre qualité de vie et ne doit plus être individualisé et
privatisé, mais supporté collectivement.
Pour que ce travail de care non rémunéré puisse à l'avenir être réparti
équitablement sur les épaules de tous les sexes, un changement social féministe
nécessite également une réduction radicale du temps de travail à salaire égal.
Un congé parental suffisamment long et entièrement rémunéré pour les deux
parents, un salaire minimum, l'application de l'égalité salariale ainsi que la
reconnaissance du travail non rémunéré par toutes les assurances sociales font
également partie des conditions centrales d'une société du care,[8] dans
laquelle chacun·e a le temps et l'énergie d'assumer le travail de soin et de se
décharger mutuellement.
Les excès de violence du patriarcat
Le patriarcat s'exprime sous différentes formes d'oppression et de
discrimination, dont la violence physique et psychique est l'une des
conséquences les plus directes. La violence à l'encontre des personnes FLINTA
résulte en premier lieu d'une socialisation spécifique au genre, qui est à son
tour intégrée dans les structures/rapports sociaux. Dès notre plus jeune âge,
nous apprenons à nous comporter et à évoluer dans la société en fonction des
normes de genre. Certains comportements sont socialement considérés comme
appropriés et souhaitables pour un sexe, mais pas pour l'autre. La gestion des
émotions en est un exemple. Ainsi, les comportements impulsifs et agressifs sont
plutôt attribués aux hommes, alors que la gestion ouverte de la tristesse et de
la vulnérabilité est réservée aux femmes. Cette socialisation sexiste trouve son
origine, aujourd'hui encore, dans une hiérarchisation patriarcale des sexes. Ces
normes de genre et ces rôles patriarcaux marquent les relations entre les hommes
et les femmes.
Pratiquement toutes les personnes FLINTA subissent des formes de violences
sexuelles et sexistes au cours de leur vie. Cela prend entre autres la forme de
harcèlement sexuel, de violences sexistes et de violences domestiques. Dans une
étude d'Amnesty Suisse, deux tiers des les femmes interrogées ont indiqué avoir
déjà subi une forme de harcèlement sexuel.(19) Les maisons d'accueil (également
appelées foyers pour femmes) agissent comme des lieux de refuge et offrent
protection et conseil aux personnes touchées par des violences physiques,
psychiques et/ou sexuelles, et constituent ainsi une offre importante
d'intervention de crise. Aujourd'hui, les maisons d'accueil pour femmes et les
maisons d'accueil temporaires doivent régulièrement expulser des personnes faute
de place et de ressources, car la Suisse ne dispose que de 300 places. Cette
situation est intolérable et contrevient en outre à la Convention d'Istanbul. Le
groupe d'experts du Conseil de l'Europe pour la lutte contre la violence à
l'égard des femmes et la violence domestique demande une augmentation massive du
financement des institutions et la création d'au moins 860 places dans des
maisons d'accueil.(20) En outre, il est essentiel que les foyers soient
accessibles à toutes les personnes opprimées par le patriarcat, c'est-à-dire non
seulement aux femmes cis mais aussi et surtout aux personnes TINA (personnes
trans, inter, non binaires et agenres). Ce n'est pas le cas aujourd'hui dans de
nombreux refuges et les personnes TINA, qui sont particulièrement touchées par
la violence patriarcale, n'ont pas de possibilités de soutien suffisantes
auxquelles elles peuvent avoir recours. En outre, un seul refuge en Suisse est
accessible aux personnes handicapées, ce qui doit absolument changer.
Les violences patriarcales et sexuelles sont certes pénalement répréhensibles
sous de nombreuses formes, mais seule une fraction de tou·tes les autrice·teurs
de violences sexuelles est jamais condamnée pour ses actes. La réforme du droit
pénal sexuel obsolète est une étape importante, car la loi actuelle présuppose
que les personnes concernées se défendent activement physiquement pour
constituer le délit de viol ou de contrainte sexuelle. Or, cela n'est souvent
pas possible pour les personnes concernées, notamment en raison de ce que l'on
appelle le « freezing »[9]. En outre, la loi obsolète repose sur des idées
patriarcales dépassées de ce qu'il faut entendre par viol et par délit sexuel.
Pourtant, c'est en fait très simple : les actes sexuels sans le consentement de
toutes les personnes concernées sont des violences, car « seul un oui est un oui
». Il est important d'inscrire ce principe dans la loi.
Mais les réformes législatives ne suffisent pas à résoudre les problèmes
fondamentaux dans le domaine des violences sexuelles et sexistes. Les délits
sexuels ont rarement lieu devant témoins. Par conséquent, les personnes
concernées ne peuvent guère prouver ce qui s'est passé devant le tribunal et les
procédures pénales sont souvent sans espoir pour elles. En outre, le procès et
la procédure en cas de délits sexuels sont souvent très difficiles pour les
victimes. Les institutions étatiques telles que la police et la justice
reproduisent des structures sexistes et patriarcales. Lors des procès pour
agression sexuelle, les personnes concernées doivent souvent subir de longs
interrogatoires. Lors des procès, on assiste souvent à ce que l'on appelle le
victim blaming,[10] les expériences des victimes sont mises en doute et la faute
est recherchée dans leur comportement. De tels processus peuvent être
extrêmement éprouvants et potentiellement retraumatisants. Il faut une approche
fondamentalement différente des autorités et de la justice dans le domaine des
procès pour violences sexuelles. La lutte contre les violences sexuelles et
sexistes doit toutefois être menée en premier lieu par la société. Cette
problématique est systématique. En enfermant simplement les agresseuse·eurs, on
place à tort le problème à un niveau individuel. Ces agresseurs sont pourtant
les produits de cette société et le problème doit donc être abordé au niveau de
la société dans son ensemble.
NI UNA MENOS - pas une de moins !
En Suisse, une personne perçue comme femme est tuée toutes les deux semaines par
son mari, son compagnon, son ex-partenaire, son frère ou son fils. Chaque
semaine, une femme survit à une tentative de féminicide. Mais les personnes
perçues comme femmes sont également victimes de féminicides en dehors des
relations amoureuses. Les statistiques mettent en lumière les chiffres connus
des cas de violence et de mort connus,[11] le chiffre réel est inconnu. En
Suisse, il n'existe pas de service officiel qui recense les féminicides et qui
tienne des statistiques sur les homicides en raison du sexe.(21) Les féminicides
ne sont pas des cas isolés, mais le résultat et la pointe de l'iceberg de la
violence patriarcale structurelle dans notre société. Les conséquences de ces
structures sociales patriarcales et misogynes[12] se manifestent également sous
la forme d'une violence patriarcale organisée, comme par exemple dans le soi-
disant « mouvement Incel », une idéologie globale très dangereuse à partir de
laquelle s'est développé un mouvement mondial en réseau qui célèbre ouvertement
des actes de violence contre des personnes FLINTA. Ces dernières années, divers
féminicides et attentats ont été perpétrés par des partisans du mouvement
Incel.(22)
Des groupes extrêmistes comme les « Incels »[13] propagent l'idée que le
féminisme serait allé trop loin et que les hommes cis en souffriraient
désormais. Selon eux, les hommes ont perdu leur position dominante (méritée)
dans la société. La conséquence de cette perte de statut serait la décadence,
des hommes cis « efféminés » et une destruction de l'ordre naturel des sexes.
Les Incels se considèrent comme les plus grands perdants et les femmes comme des
oppresseuses malveillantes qui, par le biais du féminisme, empêchent les hommes
d'accéder à la sexualité, à l'amour et à l'affection. Les Incels s'orientent
vers une image extrêmement toxique de l'homme, qui est en contradiction avec les
progrès du féminisme et y aspirent activement.
La masculinité toxique peut être décrite comme un comportement masculin qui nuit
directement ou indirectement à tous les membres de la société - cela inclut des
caractéristiques et des comportements tels que la domination et une propension
accrue à la violence, la queerophobie et la mysogynie. Ces comportements sont
inculqués et socialisés. Les personnes socialisées au masculin apprennent ainsi,
par exemple, que la faiblesse, le fait de montrer ses émotions ou de chercher de
l'aide n'est pas viril.(23)
Souvent, le comportement « masculin toxique » provient aussi de l'insécurité et
de la tentative de se conformer aux idéaux patriarcaux de la masculinité. Les
hommes cis hétérosexuels sont particulièrement sujets à des comportements
masculins toxiques. Les hommes queer peuvent également présenter des
comportements masculins toxiques, mais ils ont généralement des tendances moins
extrêmes, car leur sexualité rompt déjà avec l'idéal masculin patriarcal
classique. Ce ne sont pas seulement les personnes FLINTA qui souffrent des
conséquences de la masculinité toxique, mais aussi les hommes cis eux-mêmes. En
effet, les idéaux de masculinité existants et les normes sociales patriarcales
conduisent souvent les hommes à négliger leur santé physique ou psychiques, à
des mécanismes de coping destructifs et à une propension accrue au risque et à
la violence. Il est donc dans notre intérêt à tous de remettre en question les
modèles patriarcaux, de réfléchir aux comportements masculins toxiques et à
l'ensemble du construit social des genres et de les surmonter.
Mener des luttes communes
Ce que l'autrice noire lesbienne et marxiste Audre Lorde a constaté en 1983 est
toujours valable aujourd'hui : « Je ne suis pas libre tant qu'une seule femme ne
l'est pas, même si elle porte des chaînes très différentes des miennes ». En
tant que femmes de gauche, il s'agit de comprendre cette phrase dans son
intégralité. Et cela commence par la compréhension du lien entre le capitalisme
et les structures d'oppression telles que le racisme, le validisme, le sexisme
et la queerophobie. Dans son essai le plus connu (1989)(24) , Kimberlé Crenshaw
compare ce lien à un croisement (intersection). Il s'agit de montrer que ces
formes de discrimination ne s'additionnent pas simplement, mais que lorsque deux
ou plusieurs formes se rencontrent, une nouvelle expérience de discrimination
apparaît.[14]
Souvent, les analyses queerféministes de gauche s'arrêtent là où elles devraient
commencer. Car l'approche de l'intersectionnalité n'est pas une analyse
socialiste prête à l'emploi, au contraire : l'intersectionnalité reconnaît
simplement qu'il existe différentes structures d'oppression et d'exploitation et
que celles-ci peuvent se superposer et conduire à une autre dimension
d'oppression. Le concept invite donc malheureusement aussi à une conclusion
néolibérale et individualiste. Au moins depuis que les gouvernements
néolibéraux, comme celui de l'Allemagne, utilisent « l'intersectionnalité »
comme un concept à la mode, nous devons, en tant que forces socialistes, nous
remettre en question.(25) Nous devons comprendre la différence entre
l'exploitation et l'oppression et, par conséquent, reconnaître que la race et le
genre ne sont pas source de discrimination de manière inhérente, mais ont été
établis historiquement comme des caractéristiques d'oppression. En revanche, la
classe est, au sens marxiste, un rapport social qui garantit la production et
l'accumulation du capital.(26) L'absence de propriété des travailleuse·eurs
n'est pas seulement le résultat de l'exploitation capitaliste, mais son
fondement, historiquement conditionné par l'accumulation initiale du capital.
Comme la classe ouvrière produit la richesse sociale, elle pourrait également
arrêter cette production collectivement. Ce pouvoir du collectif est occulté
dans une analyse unidimensionnelle de l'intersectionnalité. Les catégories
telles que la race et le genre sont perçues comme immobiles et la classe est
définie à tort comme un motif d'oppression - l'exploitation et l'oppression sont
donc assimilées à tort. Or, le genre doit être compris comme un instrument
d'exploitation capitaliste, au même titre que la race. Il faut donc créer une
conscience de classe et lier les luttes.
Pour comprendre la complexité des structures de pouvoir, il est donc essentiel
d'inclure les structures de discrimination comme le racisme dans une analyse
féministe. Les personnes FLINTA racisées sont exposées à des formes de
discrimination multidimensionnelles qui sont souvent très différentes les unes
des autres. Il se produit une altérisation du sexisme, ce qui signifie que le
sexisme change en fonction de la manière dont une personne FLINTA est touchée
par le racisme.(27) Les campagnes agressives, racistes et sexistes de l'UDC, en
particulier le « débat sur la burqa », en sont un bon exemple. Les femmes
portant le foulard sont présentées comme les victimes d'une « culture » et de
ses hommes.(28) L'objectif serait uniquement de les « sauver », le sexisme
raciste est donc vendu comme un projet de charité et utilisé pour légitimer
l'exploitation (néo)coloniale et impérialiste. Différentes choses se produisent
alors : on met les femmes portant le niqab sous tutelle et on les présente comme
des victimes sans autonomie. On nous vend les structures patriarcales comme un
problème propre aux « autres ». Le seul objectif de cette démarche est d'obtenir
le pouvoir et le contrôle total sur le corps des femme. Il ne s'agit là que d'un
seul exemple de symptôme de sexisme raciste spécifiquement antimusulman.
Certaines féministes blanches continuentégalement de céder au complexe du «
white saviour ». Dans son célèbre essai Under Western Eyes : Feminist
Scholarship an Colonial Discourses (1984), la féministe socialiste postcoloniale
Chandra Talpade Mohanty décrit ce phénomène comme un « projet » des féministes
occidentales. Celles-ci ont créé une catégorie de « femmes du tiers-monde »
qu'elles traitent comme un groupe homogène pour lequel elles pourraient parler
et qu'elles pourraient sauver.(29) Cette prétention à un féminisme universaliste
est excluante, discriminatoire et doit être condamnée.
Reprenons ici les propos d'Audre Sire : « Ce ne sont pas nos différences qui
nous divisent. C'est notre incapacité à reconnaître, à accepter et à célébrer
ces différences ».(30) Nous devons par conséquent reconnaître les différentes
réalités de la vie et leur donner l'espace nécessaire - c'est-à-dire relier les
luttes. Nous ne devons pas parler à la place des autres, toutes les personnes
FLINTA doivent avoir une place dans nos mouvements - les différences entre nos
réalités de vie existent, mais elles ne nous séparent pas. Ce n'est qu'ainsi que
nous pourrons combattre et surmonter les différentes constructions de pouvoir
qui nous lient les uns aux autres.
Faire des utopies féministes une réalité !
Nous nous battons pour un monde sans oppression capitaliste et patriarcale. Un
monde dans lequel nous pouvons nous épanouir librement, indépendamment de notre
identité de genre, de notre sexualité, de la couleur de notre peau et de nos
origines. Un monde qui soit solidaire, antiraciste, inclusif et féministe
intersectionnel. La lutte contre toutes les formes d'oppression, de
discrimination et de violence structurelle est indispensable à notre vision
féministe. Notre société est encore loin de cette vision.
Notre utopie demande aussi le dépassement des catégories de genre. En effet,
comme l’ont très clairement défini les militantes féministes au moins depuis
Simone de Beauvoir (« on ne naît pas femme »), ces catégories ne sont pas
naturelles, mais arbitraires : elles servent à justifier une division sexuée du
travail. Notre projet socialiste veut une répartition juste du travail entre
tou·tes les personnes, sans nécessité de les assigner à une catégorie de genre
ou une autre.
Notre utopie passe par la destruction des institutions du mariage et de la
famille, et la libération des relations interpersonnelles. En effet, le mariage,
malgré des progrès législatifs, est par nature la sanction par l’État de
l’omnipotence du mari sur son épouse. Cette institution est fondamentalement
incompatible avec un projet sociétal émancipatoire. La destruction de la famille
doit s’accompagner d’une collectivisation de l’éducation des enfants.
Notre utopie féministe est un monde qui dépasse la binarité des genres, dans
lequel chaque individu, libéré·e de l’exploitation, à la liberté de s’épanouir.
Cela passe par des transformations radicales de la société dans plusieurs
domaines. En premier lieu, nous voulons une société dans laquelle toute personne
ait la liberté de disposer de son corps. Nous entendons par là la liberté de
modifier son corps à sa guise, de manière sûre et informée. Nous entendons aussi
la liberté d’avoir des relations avec les partenaires consentent·es de notre
choix, sans jugement et de vivre une sexualité informée, sur la base du
consentement et de la communication, mais aussi la liberté de ne pas avoir des
relations sexuelles, sans subir de pression. Cela implique également une
protection quand cette liberté n’est pas respectée. La liberté de disposer de
son corps, c’est aussi et enfin la liberté de donner naissance et d’allaiter,
mais aussi de ne pas le faire, y compris la liberté d’interrompre une grossesse
à tout moment.
Mais même au sein de la JS et de l'ensemble de la gauche féministe, il existe
encore des angles morts et des structures patriarcales. Nous ne sommes pas
immunisé·es contre le sexisme intériorisé, les préjugés et la reproduction des
structures discriminatoires. Le sexisme, la misogynie, le racisme et le rejet
existent aussi dans les mouvements de gauche. En tant que gauche, nous devons
également nous pencher activement sur ces thèmes en interne, écouter les
personnes concernées, les soutenir et renforcer leurs voix. Ce n'est qu'ainsi
que nous pourrons faire un travail de prévention efficace et lancer des
processus d'apprentissage. Des épisodes de discrimination ou de violence
sexuelle se produisent aussi au sein de la gauche. Il est de notre devoir d'y
prêter attention et de créer des structures qui protègent les personnes touchées
plutôt que les agreuse·eurs.
Une répartition équitable des tâches ne va malheureusement pas de soi, même dans
les structures de gauche. Qui assume quelles tâches dans les collectifs et les
comités - qui rédige les procès-verbaux, organise les événements, nettoie après
les manifestations, qui s'occupe des autres ? Qui prend en charge le travail
invisible, qui est en contact avec le public ? Quelle place les différentes
personnes occupent-elles au sein de leurs propres structures ? Si nous nous
penchons honnêtement sur ces questions au sein de la gauche, nous remarquons que
chez nous aussi, le travail de care et les tâches « invisibles » sont souvent
assumées par des personnes FLINTA, tandis que les hommes cis ont tendance à
prendre plus de place dans les débats. Ce n'est qu'en identifiant ces tendances
et en les analysant de manière autocritique que nous pourrons briser les
structures qui les renforcent et les cimentent.
Construire des alliances
La réflexion critique sur les structures de discrimination dans les espaces et
les mouvements féministes implique également une réflexion sur leur
accessibilité pour les groupes marginalisés. Aujourd'hui encore, les espaces
féministes sont souvent dominés par des femmes cis blanches et privilégiées.
Dans le mouvement féministe, il est essentiel de donner la priorité aux
préoccupations des groupes marginalisés, des personnes TINA, des personnes
racisées et des personnes handicapées, et de donner la parole aux personnes
concernées. Les luttes des personnes trans dans des domaines tels que la
protection contre les discriminations ou la lutte pour l'autodétermination
physique doivent avoir de l'espace et être soutenues de manière solidaire - cela
doit aller au-delà de l'adaptation de termes tels que « grève des femmes » en «
grève féministe ».
Pour pouvoir faire avancer le changement dans l'ensemble de la société, il est
nécessaire de créer des alliances entre les structures féministes de gauche. Un
éparpillement de ces structures signifie toujours un affaiblissement de notre
force de frappe. Il faut surmonter nos tendances à la division, car notre force
résidera dans la taille réelle de ce mouvement. Seule une gauche féministe unie
peut mobiliser les masses dans les rues et pour faire grève.
Les luttes féministes, les besoins dans les domaines les plus divers de la
société et les revendications qui en découlent sont énormes et ne peuvent pas
être traitées dans un papier de position. Les domaines et revendications ci-
dessous font partie des luttes féministes auxquelles nous, JS, souhaitons donner
la priorité dans le discours féministe.
Passer à l'offensive féministe, dès maintenant !
Il ne nous reste qu'une chose à faire : passer à l'offensive ! Aucun mouvement
en Suisse n'a actuellement une telle capacité de mobilisation que le mouvement
féministe. L'année de grève 2023 est donc décisive pour l'avenir. La JS se
considère comme une partie active de ce mouvement et défend en conséquence les
revendications suivantes.
Lutter efficacement contre la violence et les discriminations sexuelles et
sexistes
Pratiquement toutes les personnes FLINTA subissent des violences sexuelles au
cours de leur vie. Il s'agit entre autres du harcèlement sexuel, de la violence
sexiste et de la violence domestique. Des mesures structurelles sont nécessaires
pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes :
- Travail d'information et d'éducation féministe dans les écoles et les
lieux de formation, accompagné de campagnes nationales de sensibilisation
féministe
- Un développement massif des offres de protection, de conseil et de soutien
pour les personnes de toutes les identités de genre, via la formation
continue au sein des institutions existantes et la mise à disposition de
ressources financières supplémentaires
- Le développement de places et de ressources d'hébergement pour les
personnes victimes de violences patriarcales
- Des ressources supplémentaires et la mise en place de foyers d'accueil
dans toutes les régions, spécifiquement conçus pour la protection et les
besoins des personnes TINA
- des mesures de prévention pour lutter contre le harcèlement sexuel sur le
lieu de travail et une protection conséquente contre la discrimination,
protégeant les personnes FLINTA et en particulier les personnes trans
contre la discrimination et le licenciement arbitraire sur le lieu de
travail
- Ancrage du principe « seul un oui est un oui » dans le droit pénal sexuel
& prise en compte de la dynamique du « freezing »
- Renforcement de la prévention et du « travail avec les auteurs ». c'est-à-
dire obligation de réflexion, d'éducation en cas de délits et d'agressions
- Mise en œuvre complète de la Convention d'Istanbul en Suisse
Réorganiser le travail de care au sein de la société
Ce n'est que lorsque tout le monde aura plus de temps à consacrer au travail de
care - et que la société cessera de pousser uniquement les femmes vers le
travail à temps partiel - que les hommes pourront enfin fournir leur juste part
de travail de care non rémunéré. La réduction du temps de travail est une
revendication féministe, l'une des plus importantes de notre époque : donner du
temps au travail de care, et le valoriser comme il se doit, cela n'est pas
possible dans notre système actuel. Il est urgent de revaloriser et de rendre
visible le travail de care rémunéré et non rémunéré, ainsi que de développer les
structures sociales du care. A moyen terme, cela signifie rien de moins qu'une
transformation radicale de tous les secteurs de la société et de l'économie vers
une société du care :
- Investissements massifs dans les soins, les structures d'accueil et la
formation de personnel qualifié pour une revalorisation structurelle du
travail de care dans le secteur formel du travail, avec de meilleurs
salaires et conditions de travail
- Le travail de care doit être organisé par la société et les pouvoirs
publics
- Abaisser le temps de travail à 25 heures par semaine à salaire égal. Cela
permet d'avoir plus de temps pour le travail de care, comme les tâches
ménagères et la garde des enfants, et de le répartir plus équitablement.
- Fonds de care doté de moyens financiers suffisants pour une transformation
féministe globale de la société et un développement massif des structures
de care dans la société
Une autodétermination physique et personnelle sans compromis
Le droit à l'autodétermination physique est l'une des principales revendications
et conquêtes féministes. Outre le droit à l'avortement, le droit à
l'autodétermination physique et médicale des personnes trans et intersexes en
fait également partie. Ces droits élémentaires à l'autodétermination doivent
être garantis :
- L'accès à des offres de conseil et de soutien ouvertes pour les femmes
enceintes et la garantie de l'accès à des interruptions de grossesse sûres
et autodéterminées
- Gratuité de la contraception et des tests de maladies sexuellement
transmissibles
- L'inscription dans la Constitution fédérale du droit à l'autodétermination
physique, en particulier du droit à l'interruption volontaire de grossesse
gratuite, et la suppression de l'interruption volontaire de grossesse du
code pénal
- L'accès à des suivis médicaux et psychologiques respectant leur
autodétermination et à des traitements entièrement financés par
l'assurance maladie pour les personnes trans
- L'interdiction des interventions médicalement inutiles sur les bébés
intersexes
- L'accès à des conseils professionnels et neutres ainsi qu'à des
prestations dans le domaine de la santé sexuelle, le développement de la
formation du personnel existant et du futur personnel, et une augmentation
du financement de la santé sexuelle
- La possibilité d'une troisième inscription officielle du sexe
Offensive féministe dans le monde du travail
- Protection et soutien renforcés des personnes enceintes dans la vie
professionnelle pendant et après la grossesse
- Lutter efficacement contre les discriminations salariales : transparence
des salaires dans tous les secteurs et contrôles publics obligatoires des
discriminations salariales dans les entreprises
-
Une étude intersectionnelle de la discrimination salariale, qui examine
par exemple les différences de salaire chez les personnes racisées, les
personnes queer ou les personnes handicapées
- L'introduction généralisée d'un salaire minimum de 5000 CHF, indexé sur le
renchérissement
- Développer les mesures de protection du droit du travail des personnes
travaillant dans des conditions souvent précaires et mal réglementées,
comme le ménage et les soins chez les particuliers
- Abolition du 2e et 3e pilier et mise en place d’une caisse de pension
populaire financée de manière solidaire.
Régulariser tou·tes les sans-papiers et garantir l'égalité des conditions
de travail et de séjour pour tou·tes
Notes de bas de page:
[1] Notons que nous ne parviendrons jamais rendre justice à l'ampleur et à la
diversité de cette thématique dans un document de synthèse.
[2] Les suffragettes sont des militantes féministes organisées au 20e siècle en
Grande-Bretagne et aux États-Unis.
[3] par exemple : Alliance de sociétés féminines suisses, Association suisse
pour le suffrage féminin.
[4] Parmi elles, l'Association des femmes suisses alémaniques pour l'élévation
des mœurs, qui devint en 1912 la plus grande association féminine suisse ;
Elisabeth Joris : "Sittlichkeitsbewegung", dans : Historisches Lexikon der
Schweiz (HLS), version du 24.01.2013. En ligne : https://hls-dhs-
dss.ch/de/articles/016444/2013-01-24/, consulté le 18.04.2023.
[5] La loi sur l'égalité n'est entrée en vigueur qu'en 1996.
[6] Les personnes cisgenres s'identifient au sexe qui leur a été attribué à la
naissance.
[7] Dans notre document de base sur le travail de care, nous développons cette
thématique et nos revendications concrètes à ce sujet :
https://juso.ch/fr/positions/feminisme/papier-de-position-sur-le-travail-du-
care/
[8] Pour plus de détails sur la société du care, voir : Denknetz, Perspektive
Care-Gesellschaft : Plädoyer für eine Erneuerung des Gesellschaftsvertrags –
lokal und global. En ligne sur : https://www.denknetz.ch/care-gesellschaft/
[9] Le freezing, ou sidération, désigne le fait que les personnes concernées se
figent pendant qu'elles subissent des violences sexuelles.
[10] Le victim blaming en cas de violence sexuelle décrit le phénomène par
lequel la responsabilité d'une agression est attribuée à la victime plutôt qu'à
l'auteur des faits.
[11] Une partie de la criminalité est officiellement connue et enregistrée, et
présentée dans les statistiques officielles de la police. Il s'agit de tous les
délits dont la police a connaissance suite à ses propres enquêtes ou à une
plainte et qui apparaissent dans la Statistique policière de la criminalité
(SPC). Une part de la criminalité totale n'est pas enregistrée.
[12] Par misogynie, on entend la dévalorisation et la haine de tout ce qui est
féminin, des femmes et des personnes de sexe féminin.
[13] Incel est l'auto-désignation d'une sous-culture Internet née aux États-Unis
et composée d'hommes hétérosexuels qui, selon leurs propres dires, n'ont pas de
rapports sexuels ou de relations romantiques malgré eux et adhèrent à
l'idéologie d'une masculinité hégémonique.
[14] Crenshaw illustre cela par un cas judiciaire : lors d'un licenciement
collectif dans une usine GM, ce sont presque exclusivement des femmes noires qui
ont été licenciées. Le tribunal a considéré que cela n'était ni raciste ni
sexiste, puisque les hommes noirs et les femmes blanches ont été épargnés par
les licenciements.
Sources:
(1) Bundesamt für Statistik (BFS): Lohnstrukturerhebung LSE 2020, Berne 2022.
(x)Bundesamt für Statistik (BFS): Gesamter geschlechtsspezifischer
Erwerbseinkommensunterschied (GOEG), Bern 2023.
https://www.bfs.admin.ch/bfs/de/home/statistiken/wirtschaftliche-soziale-
situation-bevoelkerung/gleichstellung-frau-mann/einkommen/goeg.html
(3) Saadia Zahidi, WEF : Global Gender Gap Report 2021. Insight Report, Genève
2021.
(4) Eva Cyba: Patriarchat. Wandel und Aktualität, in: Handbuch Frauen- und
Geschlechterforschung. Theorie, Methode, Empirie 2., erweiterte und
aktualisierte Auflage, Ruth Becker (et al.), [Hrsg], Wiesbaden 2008, p. 17
(5) Sylvia Walby : Theorizing Patriarchy, Cambridge 1991, p. 20.
(7) Olympe de Gouges - Die Rechte der Frau, 1791.
(8) Elisabeth Joris: "Frauenbewegung", in: Historisches Lexikon der Schweiz
(HLS), version du 06.12.2022. En ligne : https://hls-dhs-
dss.ch/de/articles/016497/2022-12-06/, consulté le 18.04.2023.
(9) Elisabeth Joris: Stimmrecht, Kochtopf, gleiche Löhne, in: Widerspruch 37
(2018), p. 1.
(11) Brigitte Studer : "Frauenstreik (1991)", dans : Historisches Lexikon der
Schweiz (HLS), version du 12.06.2019. En ligne : https://hls-dhs-
dss.ch/de/articles/058286/2019-06-12/, consulté le 24.04.2023.
(12) Walby, Sylvia (1990) : Theorizing Patriarchy. New Jersey : Wiley-Blackwell.
(13) Madörin, Mascha: Neoliberalismus und die Reorganisation der Care-Arbeit.
Eine Forschungsskizze, in: Denknetz Jahrbuch 2007.
(14) Sarah Schilliger, Who Cares? : Care-Arbeit im neoliberalen
Geschlechterregime, in : Widerspruch Vol. 56, p. 100.
(15) Bea Schwager, Prekäres Arbeiten als Sans-Papiers im Privathaushalt, 2013,
S. 166.
(16) Sarah Schilliger, Who Cares? : Care-Arbeit im neoliberalen
Geschlechterregime, in : Widerspruch Vol. 56, p. 93.
(18) Eidgenössisches Departement des Innern: Gender Pension Gap in der Schweiz,
Bern 2015.
(22)Michael Vallerga, Eileen L. Zurbriggen,Hegemonic masculinities in the
‘Manosphere’: A thematic analysis of beliefs about men and women on The Red Pill
and Incel
(23) Urwin, J. (2017). Boys don't cry. Identität, Gefühl und Männlichkeit.
Hamburg: Edition Nautilus GmbH.
(24) Kimberlé W. Crenshaw : Demarginalizing the Intersection of Race and Sex : A
Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and
Antiracist Politics, dans : Chicago Legal Forum (no 1 / 1989), Chicago 1989, p.
139-167.
(25) Eleonora Roldán Mendívil/ Bafta Sabo: Intersektionalität, Identität und
Marxismus, in: Die Diversität der Ausbeutung. Zur Kritik des herrschenden
Antirassismus, Berlin² (2022), p. 102.
(26) Ibid. 108-120.
(27) Ina Kerner : XX, p. 44.
(28) Andreas Tunger-Zanetti : Verhüllung. Die Burka-Debatte in der Schweiz,
Zurich 2021.
(29) Chandra Talpade Mohanty : Under Western Eyes. Feminist Scholarship and
Colonial Discourses, dans : Chandra Talpade Mohanty (et al.) [éd :] Third World
Women and the Politics of Feminism, Bloomington, p. 51-80.
(30) Audre Lorde : Sister Outsider
Änderungsanträge
- A1-041 (Lucien Schwed (JSG), Sofia Fisch (JUSO Bern), Julien Berthod (JSVR), Elisabetta Marchesini (JSG), Eingereicht)
- A1-253 (Lucien Schwed (JSG), Sofia Fisch (JUSO Bern), Elodie Wehrli (JSVR), Julien Berthod (JSVR), Elisabetta Marchesini (JSG), Eingereicht)
- A1-290 (Lucien Schwed (JSG), Sofia Fisch (JUSO Bern), Elodie Wehrli (JSVR), Julien Berthod (JSVR), Elisabetta Marchesini (JSG), Eingereicht)
- A1-315 (Lucien Schwed (JSG), Sofia Fisch (JUSO Bern), Elodie Wehrli (JSVR), Julien Berthod (JSVR), Elisabetta Marchesini (JSG), Eingereicht)
- A1-326 (Lucien Schwed (JSG), Sofia Fisch (JUSO Bern), Elodie Wehrli (JSVR), Julien Berthod (JSVR), Elisabetta Marchesini (JSG), Eingereicht)
- A1-375 (Lucien Schwed (JSG), Sofia Fisch (JUSO Bern), Elodie Wehrli (JSVR), Julien Berthod (JSVR), Elisabetta Marchesini (JSG), Eingereicht)
- A1-423 (Lucien Schwed (JSG, Sofia Fisch (JUSO Bern), Julien Berthod (JSVR), Elisabetta Marchesini (JSG), Mélanie Rufi (JSG), Alexandre Bochatay (JSVR), Eingereicht)
- PDE-050-FR (JUSO Kanton Bern (beschlossen am: 07.06.2023), Eingereicht)
- PDE-052-FR (PoSa JUSO Baselland (beschlossen am: 09.06.2023), Eingereicht)
- PDE-068-2-FR (PoSa JUSO Baselland (beschlossen am: 03.06.2023), Eingereicht)
- PDE-091-FR (Jakub Walczak (JUSO Stadt Bern), Eingereicht)
- PDE-132-FR (JUSO Kanton Zürich (beschlossen am: 05.06.2023), Eingereicht)
- PDE-177-FR (PoSa JUSO Baselland (beschlossen am: 03.06.2023), Eingereicht)
- PDE-311-FR (Jakub Walczak (JUSO Stadt Bern), Eingereicht)
- PDE-358-FR (Jakub Walczak (JUSO Stadt Bern), Eingereicht)
- PDE-359-FR (PoSa JUSO Baselland (beschlossen am: 03.06.2023), Eingereicht)
- PDE-366-FR (Pavel Novak et al. (JUSO Aargau), Eingereicht)
- PDE-382-FR (Jana Kürzi et al. (JUSO ZG), Eingereicht)
- PDE-397-FR (Jakub Walczak (JUSO Stadt Bern), Eingereicht)
- PDE-462-FR (Jakub Walczak (JUSO Stadt Bern), Eingereicht)
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- PDE-567-FR (Jakub Walczak (JUSO Stadt Bern), Eingereicht)
- PDE-577-FR (JUSO Kanton Zürich (beschlossen am: 05.06.2023), Eingereicht)
- PDE-623-FR (Nadine Aeschlimann (JUSO Stadt Bern), Eingereicht)
- PDE-633-2-FR (PoSa JUSO Baselland (beschlossen am: 03.06.2023), Eingereicht)
- PDE-633-FR (JUSO Kanton Zürich (beschlossen am: 05.06.2023), Eingereicht)
- PDE-668-FR (Jakub Walczak (JUSO Stadt Bern), Eingereicht)